Figure emblématique du “Nouveau Cinéma grec” à partir des années 1970, Théo Angelopoulos est l’auteur d’une œuvre caractérisée par une grande audace formelle, à la fois nostalgique et engagée, intimiste et monumentale, convoquant son histoire personnelle comme l’histoire et la société grecques.
Né en 1935, marqué par la seconde guerre mondiale et la guerre civile qui suivit en Grèce, le plus parisien des réalisateurs grecs s’exile à Paris pour étudier, entre 1961 et 1964, à la Sorbonne et à l’IDHEC. Il se forme à l’anthropologie auprès de Claude Levi-Strauss et au cinéma direct auprès de Jean Rouch tout en fréquentant assidûment la Cinémathèque française. De retour en Grèce en 1964, il devient critique cinématographique avant de réaliser ses premiers films, marqués par la guerre, la dictature et le récit collectif, comme dans Jours de 36 (1972) évoquant l’assassinat, en mai 1936, dans une Grèce secouée par de nombreux attentats politiques, l’assassinat d’un dirigeant syndicaliste.
Dans les années 80, son œuvre prend une dimension plus introspective mais restant ouverte à l’universel avec des thématiques comme l’exil, la transmission, la vieillesse ou la mort. Dans Voyage à Cythère (1984), un metteur en scène de retour d’exil dans un village de la Macédoine grecque, s’interroge – comme Télémaque, le fils d’Ulysse – sur la quête de son père. Dans Le Regard d’Ulysse (1995), référence explicite à l’Ulysse de Joyce, un cinéaste entreprend de retrouver les premières bobines de films utilisées dans les Balkans, en 1905, par les frères Manakis. Dans L’Eternité et un jour (1998) un grand écrivain s’apprête à quitter le monde en entreprenant un ultime voyage pour “sauver” un jeune Albanais de la pauvreté et du déracinement. Son dernier film, La Poussière du temps (2008) évoque l’arrivée à Rome, au début du XXIe siècle, d’un réalisateur américain d’origine grecque pour y tourner un film sur le destin tragique de ses parents. Le film ne sera distribué en France qu’en 2013, l’année suivant la disparition du cinéaste, mort accidentellement sur le tournage de L’Autre mer(inachevé).
Caractérisée par son onirisme et son audace formelle, notamment ses longs plans-séquences et la composition épurée de son cadre, son œuvre franchit et brouille les frontières, spatiales comme temporelles, mêlant en d’étranges voyages pays et continent, passé et présent.
En ouverture à la rétrospective, précédant la projection de l’un des tout premiers films de Théo Angelopoulos, Jours de 36, Stéphane Sawas, historien et helléniste, professeur à l’INALCO, se proposera de replacer les choix thématiques et esthétiques de ce cinéaste dans l’histoire politique et culturelle de la Grèce contemporaine au cours d’une conférence intitulée « Le cinéma de Théo Angelopoulos : espaces et temps d’un regard grec ».